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tpe 1èreL: les flandres (annexes2)

tpe 1èreL: les flandres (annexes2)
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13 mars 2008

Erasme : biographie

S’il y a bien une figure emblématique de la Renaissance en littérature, on peut citer Erasme qui rayonna sur le plan international en Europe. On ne peut certes pas le réduire à un humanisme nationaliste hollandais. En effet, bien qu’il fût marqué et influencé par les habitudes et traditions académiques et scientifiques hollandaises (son pays natal), il ne contribua pas moins nettement et de manière constructive à un niveau européen et international du fait de ses nombreux voyages, ses multiples formations et ses ouvrages littéraires et théologiques.

Biographie d’Erasme (environ 1467-1536)

Erasme

Erasme est né à Rotterdam aux alentours de 1467 (Cette date est approximative car elle est fort controversée) Les conditions dans lesquelles il a vu le jour semblent fort obscures. On sait qu’il est le cadet d’un prêtre, Geert, exerçant à Gouda (Pays-Bas) et de la fille d’un médecin de Zevenbergen.

Rapidement et jusqu’en 1474 environ, il fréquenta l’école de Peter Winckel à Gouda. Dans sa jeunesse, il fréquenta quelques écoles différentes. L’une d’entre elles le marqua beaucoup, celle des Frères de la Vie commune de Deventer. Cette école  constitua vers 1480/1483 l’un des premiers foyers humanistes des Pays-Bas. Erasme avait alors neuf ou dix ans, mais il fut marqué par ces frères qui conciliaient vie active et contemplation, l’enseignement de la Bible et celui des auteurs païens. Le Christianisme que l’on y enseignait différait de “l’ancienne mode” contre laquelle il allait combattre toute sa vie.

Comme ses parents étaient morts dans une épidémie de peste alors qu’il avait à peu près dix-sept ans, Erasme se donne le nom “Desiderius Erasmus Rotterdamus”. En effet, selon la mode humaniste, ses parents étant morts, Erasme voulut rompre avec son passé en se donnant une nouvelle identité plus “glorieuse”.

Son frère et lui furent confiés à trois tuteurs : leurs oncles. Ils furent envoyés chez les frères de la Vie commune de Bois-le-duc pour achever leurs études. Erasme dira plus tard de cette école qu’elle était désuète, que les maîtres y pratiquaient les punitions corporelles et qu’il y “perdit son temps”. Il y resta jusqu’en 1486. Ses  tuteurs le poussèrent à entrer chez les chanoines augustins de Steyn car ils voulaient capter son maigre héritage.

Erasme prononça ses vœux en 1488. Il sera ordonné prêtre 6 ans plus tard par l’évêque d’Utrecht. La période qu’il passa au couvent fut pour lui l’occasion d’étudier à loisir et de méditer. Il passait presque tout son temps dans la bibliothèque du monastère. Il eut alors l’occasion de lire énormément d’œuvres d’auteurs latins (à l’époque, il ne connaît pas encore le grec) et humanistes. Il écrivit des poèmes en latins, ses œuvres “Mépris du monde” (De contemptu mundi) et l’ “Eloge de la médecine”. Il y commença son livre “Anti-barbares”.

Une fois ordonné prêtre, il rejoignit, avec l’accord de ses supérieurs, l’évêque de Cambrai, Henri Berghes. Il en devint le secrétaire. On l’appelait déjà “poète”, “orateur”, “l’homme le plus savant du monde”,… A vingt-cinq ans, Il était prêt à affronter les forces rétrogrades comme les “hommes obscurs” ou le “barbare”. Cambrai n’est pour lui que la première étape d’un tour d’Europe. Son premier objectif n’est autre que Rome, source de la civilisation et des cultures antiques et chrétienne. Cependant, à Rome, le pape Alexandre VI Borgia et la cour vaticane, loin d’une vie tout évangélique, offraient un spectacle “mondain” qui était à l’opposé avec les aspirations et la conception qu’Erasme faisait transparaître dans son “Du mépris du monde”. Toutefois, c’est un passage obligé pour l’obtention d’une maîtrise en “litterae humaniores” appelée plus tard humanité.

De Cambrai à Rome, la route fut longue et Erasme fit beaucoup de détours. Il passa d’abord par Paris où il fut confronté à des difficultés diverses. Il devint entre autre pensionnaire du “collège Montaigu” dirigé par Standonck, un malinois réformateur, qui faisait régner un régime monastique plus sévère qu’à Steyn. La santé d’Erasme supporta fort difficilement ce régime. A Paris donc, il continua sa formation pour obtenir le doctorat en Théologie. Il fut déçu par l’enseignement scolastique de la Sorbonne qui l’empêcha de redécouvrir le christianisme directement à partir des textes de la Bible. Il écrivit également des manuels scolaires qui furent encore longtemps utilisés dans certaines écoles comme “St Paul’s school” ou bien encore “Eton College”. Grâce à son élève William Mountjoy, Erasme put découvrir l’Angleterre avec ses humanistes chrétiens, l’université d’Oxford et même la cour royale. Il y découvrit qu’il avait déjà conquis ces “lettres de noblesses”. Lorsqu’il regagna Paris, il opéra comme homme de lettre et comme théologien : deux voies qu’il gardera toute sa vie.

- L’homme de lettre publia à Paris chez J. Philippi la première édition des “Adages” et

- le théologien à Anvers en 1500 “Enchiridion militis christianni” (Manuel du soldat chrétien) qui définit une réforme catholique libérale.

Après avoir découvert un livre de l’humaniste Lorenzo Valla, il entama ses premiers travaux exégétiques. En effet, Erasme se mit à traduire le Nouveau Testament. Cette traduction de la traduction grecque des “Septante” en latin lui prit douze ans. Cette traduction fut dédiée au pape Léon X qui s’en fit le défenseur.

Erasme fut un humaniste errant. De fait, toute sa vie il a voyagé à travers l’Europe dans une démarche intellectuelle. Son but fut de sans cesse aller plus loin dans la connaissance c’est pour cela par exemple qu’il se mit à étudier l’hébreu.

En 1505 et 1506 par exemple, il retourna en Angleterre et revit ses amis humanistes dont Thomas More. En 1506, il prépara un voyage en Italie. Le projet de ce voyage l’habitait depuis toujours.

En septembre 1506, à Turin, il obtint enfin le bonnet de docteur en théologie. Il passa à Venise où il approfondit son grec grâce à des amis byzantins et il passa également à Florence. A Padoue, fin de l’année 1508, il servit de précepteur au jeune Alexandre Stuart, fils naturel du roi d’Ecosse. Après un dernier détour par Sienne, il arriva enfin à Rome. Il quitta l’Italie en juillet 1509 et n’y revint jamais.

En effet, après l’ascension au trône du Prince de Galles Henri VIII (le 21 avril 1509), Erasme regagna par petites étapes la Grande-Bretagne. Il séjourna chez son ami Thomas More. Il y resta quelques années qu’il consacra à enseigner du grec et de la théologie à Cambridge notamment, à la préparation de deux grands projets biblique et patristique (Traduction des Pères de l’Eglise : st Jérôme, st Chrysostome,…), à la publication d’une nouvelle édition des “Adages” et d’un pamphlet, non signé, contre Jules II. C’est probablement au cours de ce séjour qu’il aurait  écrit son œuvre la plus célèbre “Encomium Moriae” bien connue sous le titre “ Éloge de la Folie”. Cette œuvre souleva beaucoup de polémique et empoisonna entre autres les rapports d’Erasme avec les universités de Louvain et de Paris.

Erasme rentra d’Angleterre en 1514, emportant avec lui de nombreux manuscrit. Il alla quelques mois aux Pays-Bas où il fit à nouveau connaissance avec l’université de Louvain. Il se rendit la même année, à Bâle (Suisse) afin de rencontrer le grand imprimeur Froben. Il y fut accueilli avec beaucoup de respect et d’honneur. Chez Froben, il mit en place son programme éditorial premièrement par la traduction nouvelle de la Bible. Bien vite, il donna le monopole de ses publications  à l’imprimeur Bâlois. Bâle était aussi une grande ville universitaire où il put non seulement surveiller les publications, mais également échanger. De par son attachement à l’entreprise familiale d’imprimerie, il put rencontrer par exemple l’helléniste Beatus Rhenanus ou bien encore l’hébraïsant Oecolampade. Il fit encore un court voyage en Angleterre et se rendit aux Pays-Bas méridionaux. Il devint conseiller du duc Charles, devenu roi d’Espagne et qui deviendra l’Empereur Charles Quint. Erasme mit au service de son maître son pacifisme. Il publia également des essais politiques dont le fameux “Institution du prince chrétien”.

Le Vatican encouragea Erasme à continuer son œuvre d’humaniste chrétien. Cependant, lorsqu’il publia son “Nouveau Testament” à Bâle il subit des hostilités en provenance de  théologiens réactionnaires de Louvain.

Il se rendit souvent à Bruxelles, où se trouvait la cour, à Anvers, à Bruges, à Gand…

En 1517, il refusa  et, ce, malgré les offres flatteuses de François Ier d’aller s’installer à la cour du Roi de France. En avril de la même année, il fut libéré de ces dernières obligations de moine.

C’est à cette période que le moine Luther afficha ces 95 thèses contre les indulgences. Dans les débuts de son action, Luther présenta même Erasme comme son maître spirituel. Erasme approuva Luther dans ses reproches à la cour pontificale où les mœurs du clergé défiguraient le christianisme, aux prélats plus fervents de politique que de christianisme, etc. Cependant, il dut expliquer ses positions philosophiques et théologiques et prendre le parti d’un camp. Erasme s’inscrivit avant tout dans une réforme de l’Eglise catholique : s’il veut le changement c’est au sein même de l’Eglise qu’il faut l’organiser, non en la divisant. Toute sa vie, il resta catholique et défendit la théologie catholique, mais il fut aussi un médiateur intellectuel entre les deux camps farouchement opposés, favorisant le dialogue. On remarquera de magnifiques lettres adressées à Luther.

Erasme ne suivit pas la cour de Charles Quint en Espagne et resta à Louvain où il resta quatre ans en participant à la création du “collège trilingue” (le Latin, le grec et l’hébreu). Bien qu’il eût quelques amis, il eut également beaucoup d’ennemis et, ce, de plus en plus depuis le schisme provoqué par Luther. En effet, Erasme fut alors considéré par beaucoup de catholiques comme un collaborateur de Luther.

Il fut appelé à Bâle pour la correction des épreuves de la troisième édition du nouveau Testament. Il y arriva en 1521. Il quitta les Pays-Bas et n’y revint plus. Il était alors très malade, mais continua à fournir un travail écrasant pour ses éditions. Ses œuvres furent traduites dans toute l’Europe et tout un réseau d’érasmisme se mit en place à travers ce continent.

Erasme refusa à nouveau une invitation de François Ier. C’est à cette même période qu’il dédia ces quatre Paraphrases sur l’Evangile aux grands souverains d’Europe. Celle de Marc à François Ier et les trois autres à Henri VIII, Ferdinand de Habsbourg et Charles Quint. A chacun, il recommande de pratiquer une politique de paix et de fraternité et d’observer les devoirs du prince chrétien.

Depuis janvier 1522, lorsque Adrien d’Utrecht - un compatriote d’Erasme - devint le pape Adrien VI, Erasme entra en lice contre Luther. Il publia en 1524 son “De liberio arbitrio” qui est une réponse à Luther, mais ce dernier riposta avec son cinglant “Servo Arbitrio”. Pour Luther, seule la foi compte. C’est Dieu qui sauve les hommes et les œuvres ne servent à rien. Erasme répondit en 1526 au “Servo arbitrio” par “Hyperaspistes”. Il adopta certes un ton de plus en plus dur, mais il resta symbole de pacifisme. Il souhaita en effet que l’Europe s’unît et que l’Eglise retrouvât son unité perdue. Il fut contraint de s’occuper du divorce d’Henri VI qui épousa alors Catherine d’Aragon. Il n’intervint pas politiquement mais écrit une “Institutio christiani matrimonii” qui rappelle ce qu’est le mariage chrétien et qu’il dédicaça à Catherine elle-même. En 1526, à Bâle, la situation devint difficile pour l’Eglise traditionnelle. Erasme subit des pressions de la part des réformés de plus en plus nombreux. De plus, on ferma des couvents, on fit disparaître les images saintes des églises,…

En avril 1529, Erasme se rendit alors à Fribourg en Allemagne qui est encore une ville catholique. Il s’y installa dans une maison jadis construite pour l’Empereur Maximilien Il garda des liens avec ses amis bâlois et avec son imprimeur. Il écrira encore quelques livres et il entretint une importante correspondance avec les grands personnages d’Europe. Il passa cinq années à Fribourg. Il y consacra beaucoup de son temps à écrire afin de défendre l’Eglise catholique avec des livres comme “Concorde de l’Eglise”, “Ecclésiaste”,…

En juin 1535, il sentit sa fin proche et retourna à Bâle. A la fin octobre la maladie le maintint au lit. En 1536, il rédigea ses dernières volontés. Il était alors très malade : s’ajoute aux douleurs d’articulation la dysenterie. C’est le 12 juin 1536, en prononçant, parait-il, ces mots dans sa langue maternelle : “Lieve God” (“Doux Jésus”) que la vie le quitta.

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13 mars 2008

La conception évangélique de la politique chez Erasme

Au début du XVIe siècle, dans l’Eglise Catholique, un profond besoin de réformes spirituelles et morales se faisait sentir aussi bien pour corriger les princes de leurs iniquités que pour ramener les chrétiens, prêtres, laïcs et les papes eux-mêmes, à un plus scrupuleux respect des principes moraux du christianisme. L’humanisme chrétien dont Erasme fut le plus illustre représentant voulait mettre fin à ces scandales innombrables qui devaient finalement conduire à la réforme luthérienne et à la plus grande crise que l’Eglise Catholique ait jamais connue. Un retour à la vie chrétienne authentique s’imposait. Erasme fit de l’évangélisme politique le principe de ses recommandations à destination des princes.*

Cet humanisme chrétien voulait faire la synthèse entre la culture païenne et la foi révélée, voyant dans celle-ci l’accomplissement et le parachèvement de ce qui était contenu dans celle-là. La confiance dans la raison, dans les vertus naturelles de l’homme, dans la tolérance et la liberté, et dans l’amour de la paix dessinent, entre autres principes, une philosophie qui refuse ces ruptures violentes, ces oppositions tranchées et abruptes qui traversaient, par exemple, la pensée de S. Augustin et qu’on retrouvera au XVIIe siècle, dans le courant du jansénisme, brillamment représenté par B. Pascal. L’humanisme chrétien œuvre donc en faveur d’une philosophie chrétienne ouverte.*

L’institution du Prince chrétien

“De l’institution du prince chrétien” est un traité qui présente les vertus morales et spirituelles que le roi doit pratiquer si l’on ne veut pas que les recommandations de l’Evangile restent lettre morte: gouverner par la raison, ayant en vue le bien commun, selon les principes de la justice et de la charité, et cultivant les “arts de la paix”.

Erasme ne jugeait nullement qu’il s’agissait là d’une conception idéaliste ou purement utopique; c’est l’exigence même qu’imposent au prince bon et chrétien sa position et son devoir: le prince est “image de Dieu”. Par le respect et l’obéissance à ces principes, l’autorité royale établira sa seule et véritable légitimité.

Erasme s’inscrivait ainsi dans la plus antique tradition de la pensée politique, empruntant ses thèmes non seulement à Aristote, Cicéron ou Sénèque, mais également aux Ecritures et aux Pères de l’Eglise. Il prône une purification, une revivification de tout le corps social par un retour aux principes de piété et de vertu du christianisme primitif. “Sans aucun doute, tous ceux qui se réclameront d’une subordination quelconque de la Politique à la Morale sont peu ou prou ses disciples”, écrit P. Mesnard. Remarquons que ce traité contraste violemment avec “le Prince” de Machiavel.*

Selon Erasme, le souverain chrétien doit manifester trois “vertus” essentielles et indissociables que sont  la puissance, la sagesse et la bonté suprême. Cela se reflète dans les extraits suivants :

  • “Mais, dit-il, la puissance sans bonté est de la pure tyrannie; sans sagesse elle est la ruine, non le règne.”

  • “Le plus beau combat est la lutte quotidienne que le prince mène contre lui-même pour se rendre meilleur.”

  • “Toutes les fois qu’un régime dégénérera en tyrannie, on découvre qu’il s’est précipité vers sa perte.”

Pour Erasme, la politique idéale est monarchie tempérée et atténuée par la présence de l’aristocratie et du peuple. En effet, le pouvoir absolu n’est pas bon, car il en résulte une autorité arbitraire. Il dit en effet, “Plus les citoyens seront riches et libres, plus le pouvoir de l’Etat sera grand.»

Voici quelques extraits certes fort succins qui évoquent cependant fort bien message que veut transmettre Erasme.

  • “Une bonne part de la bonté consiste à vouloir être bon”

  • “Que celui qui désire être aimé, aime.”

  • “Nombre de séditions ont été provoquées par des taxations excessives.”

  • “Le mieux serait de supprimer les ministères inutiles, de mettre un frein à la rapacité des dignitaires et d’amener les riches à la frugalité.”

  • “Veiller à ce qu’il n’y ait pas trop d’inégalités des richesses et que le bien de tous ne soit pas attribué à quelques-uns.”

  • “Réduire les taxes sur les produits de consommation, les accises, les droits de douane et interdire les monopoles.”

  • “Réduire les dépenses, car l’épargne est un grand revenu, comme dit Cicéron.”

  • “Taxer les produits étrangers et de luxe, ne pas altérer artificiellement la valeur de l’argent.”

  • “Ne tolérer que le moins d’oisifs possible.”

Ce texte semble plus particulièrement adressé à Charles Quint dont Erasme fut un de ses conseillers. Il nous faut d’une part relever le courage d’Erasme car s’adresser d’une manière telle à un souverain qui deviendra Empereur n’est pas sans danger. D’autre part, force est de constater que Charles ne parviendra pas à mettre en pratique toutes les recommandations d’Erasme.

13 mars 2008

Eloge de la folie

L'Éloge de la folie est l’œuvre la plus connue d’Erasme. Cet ouvrage, dont son titre original est Encomium moriae” fut écrit en latin en 1511. Elle est considérée comme la production la plus personnelle et la plus originale de l’auteur.

Il semble qu’elle fut rédigée en quelques jours lors d’un séjour d’Erasme chez son ami Thomas More. Érasme reprend et renouvelle profondément le genre antique du panégyrique (=Eloge).

Dès sa parution, l’œuvre connut un réel succès. S’il séduisit le public par son ton vif et ironique, il choqua aussi par sa virulence. Il fit même scandale auprès des théologiens. Toute une polémique va s’ouvrir autour de cette œuvre.

Erasme souhaitait sans doute bousculer les âmes assoupies en vue d'une réforme du catholicisme. C’est pour cela que Luther le présenta tout d'abord comme son maître spirituel avant de le combattre. Cette polémique, Erasme ne l’avait vraisemblablement pas prévue et dut le décevoir. Erasme aspirait surtout à promouvoir la paix et l'amour. Son texte devait être une invitation à se convertir en son cœur.

Dans cette œuvre, la Folie prononce un discours à la première personne. Elle s'amuse à souligner la sottise à l'œuvre dans la plupart des institutions. Toute l’œuvre est remplie du registre ironique.

La folie met en valeur son rôle central dans la marche du monde: inspiratrice de l'humanité et dispensatrice de bonheur, sa fantaisie génère le comportement insensé de toute la société.

Voici un extrait de l’œuvre qui est révélateur du contenu et s’intéresse précisément au pouvoir. La Folie (allégorique) y parle des rois et des princes. Les phrases mises en valeur expriment la conception d’Erasme. Notons que ces affirmations sont renforcées par des antithèses. En effet, après que la Folie ait expliqué ce que devrait être un vrai Roi Chrétien, elle fait état de ce qui existe réellement y ajoutant toute son ironie et s’approche fortement de la caricature. On constate qu’ Erasme défend les même trois “vertus” indispensables à un vrai Prince chrétien: puissance, sagesse et la bonté suprême. Il ne faut pas omettre la notion chrétienne présente dans le texte. En effet, il est rappellé aux rois et aux princes que le seul “Vrai Roi” n’est autre que Dieu. Les rois et les princes doivent le reconnaître et ainsi tendre vers cet exemple parfait.

“Depuis longtemps, je désirais vous parler des Rois et des Princes de cour; eux, du moins, avec la franchise qui sied à des hommes libres, me rendent un culte sincère.

A vrai dire, s'ils avaient le moindre bon sens, quelle vie serait plus triste que la leur et plus à fuir? Personne ne voudrait payer la couronne du prix d'un parjure ou d'un parricide, si l'on réfléchissait au poids du fardeau que s'impose celui qui veut vraiment gouverner. Dès qu'il a pris le pouvoir, il ne doit plus penser qu'aux affaires politiques et non aux siennes, ne viser qu'au bien général, ne pas s'écarter d'un pouce de l'observation des lois qu'il a promulguées et qu'il fait exécuter, exiger l'intégrité de chacun dans l'administration et les magistratures. Tous les regards se tournent vers lui, car il peut être, par ses vertus, l'astre bienfaisant qui assure le salut des hommes ou la comète mortelle qui leur apporte le désastre. Les vices des autres n'ont pas autant d'importance et leur influence ne s'étend pas si loin; mais le Prince occupe un tel rang que ses moindres défaillances répandent le mauvais exemple universel. Favorisé par la fortune, il est entouré de toutes les séductions; parmi les plaisirs, l'indépendance, l'adulation, le luxe, il a bien des efforts à faire, bien des soins à prendre, pour ne point se tromper sur son devoir et n'y jamais manquer. Enfin, vivant au milieu des embûches, des haines, des dangers, et toujours en crainte, il sent au-dessus de sa tête le Roi véritable, qui ne tardera pas à lui demander compte de la moindre faute, et sera d'autant plus sévère pour lui qu'il aura exercé un pouvoir plus grand. 

En vérité, si les princes se voyaient dans cette situation, ce qu'ils feraient s'ils étaient sages, ils ne pourraient, je pense, goûter en paix ni le sommeil, ni la table. C'est alors que j'apporte mon bienfait : ils laissent aux Dieux l'arrangement des affaires, mènent une vie de mollesse et ne veulent écouter que ceux qui savent leur parler agréablement et chasser tout souci des âmes. Ils croient remplir pleinement la fonction royale, s'ils vont assidûment à la chasse, entretiennent de beaux chevaux, trafiquent à leur gré des magistratures et des commandements, inventent chaque jour de nouvelles manières de faire absorber par leur fisc la fortune des citoyens, découvrent les prétextes habiles qui couvriront d'un semblant de justice la pire iniquité. Ils y joignent, pour se les attacher, quelques flatteries aux masses populaires.

Représentez-vous maintenant le Prince tel qu'il est fréquemment. Il ignore les lois, est assez hostile au bien général, car il n'envisage que le sien; il s'adonne aux plaisirs, hait le savoir, l'indépendance et la vérité, se moque du salut public et n'a d'autres règles que ses convoitises et son égoïsme. Donnez-lui le collier d'or, symbole de la réunion de toutes les vertus, la couronne ornée de pierres fines, pour l'avertir de l'emporter sur tous par un ensemble de vertus héroïques; ajoutez-y le sceptre, emblème de la justice et d'une âme incorruptible, enfin la pourpre, qui signifie le parfait dévouement à l'État. Un prince qui saurait comparer sa conduite à ces insignes de sa fonction, rougirait, ce me semble, d'en être revêtu et redouterait qu'un malicieux interprète ne vînt tourner en dérision tout cet attirail de théâtre.”

Erasme, Eloge de la folie, Chapitre LV, 1511, Traduction de Pierre de Nolhac. 

*Ces 3 textes mis en italique sont directement extraits du syllabus du professeur Jean-Pierre Mondet.

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