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tpe 1èreL: les flandres (annexes2)
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13 mars 2008

Eloge de la folie

L'Éloge de la folie est l’œuvre la plus connue d’Erasme. Cet ouvrage, dont son titre original est Encomium moriae” fut écrit en latin en 1511. Elle est considérée comme la production la plus personnelle et la plus originale de l’auteur.

Il semble qu’elle fut rédigée en quelques jours lors d’un séjour d’Erasme chez son ami Thomas More. Érasme reprend et renouvelle profondément le genre antique du panégyrique (=Eloge).

Dès sa parution, l’œuvre connut un réel succès. S’il séduisit le public par son ton vif et ironique, il choqua aussi par sa virulence. Il fit même scandale auprès des théologiens. Toute une polémique va s’ouvrir autour de cette œuvre.

Erasme souhaitait sans doute bousculer les âmes assoupies en vue d'une réforme du catholicisme. C’est pour cela que Luther le présenta tout d'abord comme son maître spirituel avant de le combattre. Cette polémique, Erasme ne l’avait vraisemblablement pas prévue et dut le décevoir. Erasme aspirait surtout à promouvoir la paix et l'amour. Son texte devait être une invitation à se convertir en son cœur.

Dans cette œuvre, la Folie prononce un discours à la première personne. Elle s'amuse à souligner la sottise à l'œuvre dans la plupart des institutions. Toute l’œuvre est remplie du registre ironique.

La folie met en valeur son rôle central dans la marche du monde: inspiratrice de l'humanité et dispensatrice de bonheur, sa fantaisie génère le comportement insensé de toute la société.

Voici un extrait de l’œuvre qui est révélateur du contenu et s’intéresse précisément au pouvoir. La Folie (allégorique) y parle des rois et des princes. Les phrases mises en valeur expriment la conception d’Erasme. Notons que ces affirmations sont renforcées par des antithèses. En effet, après que la Folie ait expliqué ce que devrait être un vrai Roi Chrétien, elle fait état de ce qui existe réellement y ajoutant toute son ironie et s’approche fortement de la caricature. On constate qu’ Erasme défend les même trois “vertus” indispensables à un vrai Prince chrétien: puissance, sagesse et la bonté suprême. Il ne faut pas omettre la notion chrétienne présente dans le texte. En effet, il est rappellé aux rois et aux princes que le seul “Vrai Roi” n’est autre que Dieu. Les rois et les princes doivent le reconnaître et ainsi tendre vers cet exemple parfait.

“Depuis longtemps, je désirais vous parler des Rois et des Princes de cour; eux, du moins, avec la franchise qui sied à des hommes libres, me rendent un culte sincère.

A vrai dire, s'ils avaient le moindre bon sens, quelle vie serait plus triste que la leur et plus à fuir? Personne ne voudrait payer la couronne du prix d'un parjure ou d'un parricide, si l'on réfléchissait au poids du fardeau que s'impose celui qui veut vraiment gouverner. Dès qu'il a pris le pouvoir, il ne doit plus penser qu'aux affaires politiques et non aux siennes, ne viser qu'au bien général, ne pas s'écarter d'un pouce de l'observation des lois qu'il a promulguées et qu'il fait exécuter, exiger l'intégrité de chacun dans l'administration et les magistratures. Tous les regards se tournent vers lui, car il peut être, par ses vertus, l'astre bienfaisant qui assure le salut des hommes ou la comète mortelle qui leur apporte le désastre. Les vices des autres n'ont pas autant d'importance et leur influence ne s'étend pas si loin; mais le Prince occupe un tel rang que ses moindres défaillances répandent le mauvais exemple universel. Favorisé par la fortune, il est entouré de toutes les séductions; parmi les plaisirs, l'indépendance, l'adulation, le luxe, il a bien des efforts à faire, bien des soins à prendre, pour ne point se tromper sur son devoir et n'y jamais manquer. Enfin, vivant au milieu des embûches, des haines, des dangers, et toujours en crainte, il sent au-dessus de sa tête le Roi véritable, qui ne tardera pas à lui demander compte de la moindre faute, et sera d'autant plus sévère pour lui qu'il aura exercé un pouvoir plus grand. 

En vérité, si les princes se voyaient dans cette situation, ce qu'ils feraient s'ils étaient sages, ils ne pourraient, je pense, goûter en paix ni le sommeil, ni la table. C'est alors que j'apporte mon bienfait : ils laissent aux Dieux l'arrangement des affaires, mènent une vie de mollesse et ne veulent écouter que ceux qui savent leur parler agréablement et chasser tout souci des âmes. Ils croient remplir pleinement la fonction royale, s'ils vont assidûment à la chasse, entretiennent de beaux chevaux, trafiquent à leur gré des magistratures et des commandements, inventent chaque jour de nouvelles manières de faire absorber par leur fisc la fortune des citoyens, découvrent les prétextes habiles qui couvriront d'un semblant de justice la pire iniquité. Ils y joignent, pour se les attacher, quelques flatteries aux masses populaires.

Représentez-vous maintenant le Prince tel qu'il est fréquemment. Il ignore les lois, est assez hostile au bien général, car il n'envisage que le sien; il s'adonne aux plaisirs, hait le savoir, l'indépendance et la vérité, se moque du salut public et n'a d'autres règles que ses convoitises et son égoïsme. Donnez-lui le collier d'or, symbole de la réunion de toutes les vertus, la couronne ornée de pierres fines, pour l'avertir de l'emporter sur tous par un ensemble de vertus héroïques; ajoutez-y le sceptre, emblème de la justice et d'une âme incorruptible, enfin la pourpre, qui signifie le parfait dévouement à l'État. Un prince qui saurait comparer sa conduite à ces insignes de sa fonction, rougirait, ce me semble, d'en être revêtu et redouterait qu'un malicieux interprète ne vînt tourner en dérision tout cet attirail de théâtre.”

Erasme, Eloge de la folie, Chapitre LV, 1511, Traduction de Pierre de Nolhac. 

*Ces 3 textes mis en italique sont directement extraits du syllabus du professeur Jean-Pierre Mondet.

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